Sortir du piège du présidentialisme
Entretenir et légitimer ce qu'on prétend combattre, renforcer le piège de l'inversion du calendrier électoral qu'on a pourtant identifié comme tel, c'est une incohérence.
Et ce n'est malheureusement pas la seule.
En outre, je pense que nous aurions eu beaucoup plus de chance d'y parvenir si nous avions travaillé partout à des candidatures communes aux législatives, passé un accord national sur cette question et fait de la candidature commune à l'élection présidentielle un accessoire du projet et des candidatures communes aux législatives. Malheureusement, nous avons fait l'inverse.
Non seulement, les leçons de notre échec ne sont pas tirées, mais je constate une persistance, chez certains, de l'envie de poursuivre toujours plus loin dans la voie de ce qui nous a conduit à cet échec.
Cela me rappelle un peu l'indigence de l'analyse de cet échec lors de la réunion nationale des collectifs à Montreuil. On n'était pas loin de la cause unique et de la désignation du bouc-émissaire ; dispensant
d'examiner l'ensemble des erreurs commises par les uns et les autres ; faisant l'économie du dépassement d'une dramatique incapacité à se dégager des conceptions et pratiques dominantes de la politique.
Ainsi, à cette occasion, ai-je pu constater, avec horreur, qu'un nombre non négligeable de partisans de José Bové utilisaient les mêmes arguments et adoptaient les mêmes comportements que la direction du PCF lorsqu'elle se battait pour faire de Marie-George Buffet la candidate des collectifs : contestation de la règle du double consensus au profit de la logique majoritaire, déclaration de l'urgence pour forcer des décisions précipitées, volonté d'instrumentalisation les collectifs au profit d'une candidature quitte à réduire l'arc du rassemblement et à faire éclater ou disparaître des collectifs (ce qui est déjà en partie
le cas), etc.
Au lieu de s'occuper de ce qui peut nous rassembler et de la question décisive des législatives, je lis, avec effarement et consternation, que certains proposent de toujours plus mettre les élections législatives à la remorque de l'élection présidentielle, voire de ne s'en occuper qu'après l'élection présidentielle.
Je pense que c'est aussi suicidaire que ce que fait la direction du PCF.
Si cela continue, les seuls résultats seront :
* l'approfondissement et la quasi irréversibilité des divisions
* le rabougrissement du rassemblement antilibéral
* le ratage de la possibilité de se rassembler sur certains objectifs à défaut de pouvoir le faire sur tous
* l'échec à toutes les élections en 2007
Il y a un petit côté Lutte ouvrière dans tout ça. Cette espèce de tout ou rien qui finit invariablement par aboutir au rien ou au presque rien.
Avec mon collectif nous avons fait le choix de ne soutenir aucun candidat en particulier à l'élection présidentielle (tout en laissant chacun libre de le faire individuellement, s'il le souhaitait), de
faire vivre le projet, de préserver et développer le rassemblement le plus large et d'oeuvrer à des candidatures communes aux législatives.
J'appelle tout le monde à agir dans ce sens.
Ce faisant, je n'ignore pas les obstacles existants, inégaux selon les endroits, à ces candidatures communes aux législatives. Toutefois, plus nous ferons grandir cette exigence, plus nous gagnerons de candidatures communes et plus nous aurons les moyens de discuter, à tous les niveaux,
pour ouvrir de nouvelles possibilités, y compris dans un certain nombre de circonscriptions et départements où tout est actuellement bloqué.
Bruno Bessière
Bezons (Val d'Oise)